Témoignage de Florence
« Début 2022, j’ai initié la démarche synodale dans ma communauté et organisé des rencontres au sein des foyers de vie. C’était un défi puisque rien n’avait été pensé pour les personnes faisant l’expérience du handicap mental. Néanmoins, il me semblait primordial que leurs voix soient entendues, malgré leurs difficultés, parfois grandes, à s’exprimer. Cela a aussi été un beau moment de partage avec une collègue protestante évangélique qui m’a rejoint dans l’animation des rencontres synodales.
En juin 2022, nous avons été invités à témoigner devant l’Assemblée plénière des évêques et de leurs invités, à Lyon. Ce fut pour chacun de nous un moment fort de vie en Église. Le témoignage des personnes accueillies a, semble-t-il, vraiment touché l’assemblée.
Aujourd’hui, la démarche synodale se poursuit dans ma communauté notamment à travers des temps de prières, de partages autour de l’évangile, de participation à un groupe de louange, la venue de sœurs trinitaires dans les ateliers une fois par mois, etc… Ceci répond également à la forte demande des personnes accueillies [ndlr : à la communauté de l’Arche], exprimée lors des rencontres synodales, de prier et de poursuivre le synode ».
Source : Site de la Conférence des Evêques de France
Intervention de la délégation française
La délégation française a eu la parole lundi 6 février 2023 devant l’assemblée synodale européenne pour décrire les réactions au document continental en France, grâce aux remontées reçues des diocèses et quelques autres. Voici le texte de leur intervention.
Le document pour l’étape continentale a été accueilli alors que l’Église en France est engagée dans un processus de vérité et de transformation, suite à l’enquête de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église, puis des révélations et d’autres enquêtes comme celle qui vient de paraître sur les Frères Marie-Dominique et Thomas Philippe, et Jean Vanier le fondateur de l’Arche. Si douloureux soit-il, ce chemin est nécessaire ; il permet à l’Église de donner la priorité à ceux qui ont été abusés et abîmés, de lutter contre les violences et devenir un lieu sûr où l’on peut rechercher Dieu sans craindre d’être l’objet de la convoitise de l’un ou l’autre, de purifier toutes les formes de déformation de la vie spirituelle, finalement de retrouver la fidélité à ce que le Christ attend d’elle.
La convergence entre le document pour l’étape continentale et le discernement des Églises locales conforte le souci d’une Église ouverte à tous parce que les yeux rivés sur le Christ : jeunes, pauvres et exclus, personnes avec un handicap, personnes homosexuelles, divorcés et remariés, chacun doit se sentir attendu dans l’Église et y trouver sa place car membre d’un même corps, celui du Christ (cf. 1Co 12). L’accueil inconditionnel n’empêche pas le discernement pour articuler miséricorde et vérité dans certaines situations spécifiques.
A la suite du Christ, l’Église cherche à être à l’écoute du cri des pauvres et du cri de la terre, scrutant les traces du Royaume présentes dans le monde, une Église non pas repliée sur elle-même mais réellement prophétique. « Marcher au rythme des plus fragiles et des plus abîmés est le meilleur moyen de marcher au rythme de tous, mais surtout celui du Christ ». En réalité, notre Église doit apprendre à recevoir des pauvres et des personnes avec un handicap ce que Dieu veut nous dire aujourd’hui.
Pour cela, il est essentiel que l’Église donne toute sa place à la Parole de Dieu, réintègre la dimension spirituelle dans sa vie ordinaire, dans toutes ses activités pastorales jusque dans son travail de gouvernance.
De fortes tensions demeurent autour de la liturgie, avec l’application parfois douloureuse du Motu proprio Traditionis Custodes et le risque de division au sein de l’Église, mais également la manière de célébrer, le langage symbolique, la mission de chacun au sein de l’acte liturgique, ainsi qu’une attente assez forte autour de l’homélie. Les sensibilités ou les attachements à telle ou telle manière de célébrer mènent parfois à des divisions, les signes de la communion et la confiance dans l’amour maternel de l’Église s’estompant progressivement, c’est un lieu d’inquiétude en France.
Un sujet brûlant revient dans le discernement de toutes les Églises locales : la place des femmes dans la vie de l’Église, notamment dans son gouvernement. Demeure l’impression que les femmes ne sont pas vraiment impliquées dans les processus de décision ni toujours respectées pour leur spécificité. Des pas significatifs sont attendus, des décisions explicites et engageantes, pour ne pas en rester à des constats.
Force est de reconnaître le morcellement au sein des communautés, avec des entre-soi, des conflits. La première phase du synode et le document pour l’étape continentale font apparaître l’urgence de réapprendre le discernement ecclésial. C’est un vrai chemin pour ne pas se conformer à l’idée du moment mais entendre ce que l’Esprit nous inspire aujourd’hui. Cela demande un vrai chemin de conversion, avec un travail autour de l’unité et de la réconciliation ; les peurs et les résistances doivent être regardées comme telles, elles peuvent être un signe important, et doivent pouvoir être affrontées et dépassées.
Parmi les sujets importants, les prêtres : reconnaissant envers leur ministère, les fidèles souhaitent que l’on prenne soin des prêtres, qu’on leur donne de remettre le souci de l’évangélisation au cœur de leur mission, qu’on redonne sa priorité à la question des vocations dans l’Église. Le ministère presbytéral est un grand don de Dieu pour l’Église : nous nous réjouissons que des personnes donnent leur vie avec joie, au cœur de la communauté chrétienne, exerçant un ministère dont Dieu a besoin pour faire grandir son Église.
La synodalité de l’Église nécessite également la reconnaissance des dons et des charismes de tout fidèle, l’égale dignité de chacun, en recherchant l’articulation symphonique des différentes vocations au sein de l’Église. S’il est nécessaire de reconnaître l’autorité des pasteurs et la mission qu’ils ont reçue, il est tout autant nécessaire de reconnaître le sensus fidei de tout fidèle, clerc ou laïc. Le ministère ordonné peut se comprendre davantage comme étant au service de la vie baptismale, donnant à chaque fidèle baptisé et confirmé de participer pleinement à la vie et à la mission de l’Église.
Une priorité doit être donnée à la formation comme étant un élément structurel de la vie de tout chrétien.
Afin de vivre une meilleure gouvernance dans l’Église, beaucoup demandent que l’on repense un management plus participatif, avec la place de l’écoute et du discernement, la compréhension de l’autorité comme un acte d’amour et de service. Ce chemin de conversion passe par un réapprentissage de l’écoute réelle et respectueuse de l’autre, du dialogue et du discernement afin de dépasser les polarisations qui se traduisent trop souvent en oppositions, en suivant le chemin de l’Esprit qui ne cesse de nous surprendre. Cela demande du temps pour être véritablement à l’écoute de l’Esprit et à l’écoute de nos frères et sœurs.
Les chrétiens sont invités à rendre compte de leur espérance en donnant toute sa place à l’expérience et au témoignage (cf. 1P 3, 15-16), à oser proposer le kérygme aujourd’hui. Ce témoignage sera vrai si nous poursuivons la marche œcuménique, en élargissant l’espace de la tente. Ce témoignage évangélique se traduit notamment dans la vie de petites communautés ou fraternités, petites Églises de proximité, qui vivent et témoignent de l’Évangile, d’une vie à la suite du Christ.
Le processus synodal est marqué par l’espérance, tout en sachant que le discernement est un chemin long et exigeant. S’il importe de veiller à l’unité et d’éviter toute rupture dans l’Église, il est tout autant nécessaire d’avancer et de ne pas en rester à de bonnes intentions pour ne pas éteindre cette espérance qui habite le cœur de tous ceux qui se sont mis en route à l’appel du pape François.