Garder la perspective du chemin synodal
Nous avons en main le document de synthèse réalisé par l’équipe qui accompagné le diocèse dans la réflexion synodale, pour en vivre une première étape [1]. Permettez-moi d’exprimer à ses membres, au nom de tous, ma gratitude pour l’élan dans lequel nous avons été entraînés et le soutien apporté pour les différentes étapes vécues. Nous sommes nombreux à nous être mis en route. Et bien des aspects de ce chemin que nous avons commencé à parcourir comme chemin d’Eglise peuvent vraiment nous réjouir.
Pour bien comprendre et accueillir l’étape de cette synthèse il importe de la mettre en perspective par rapport à l’ensemble de la démarche synodale proposée. C’est ce que je voudrais préciser à travers ces lignes.
Le Pape François invite l’Eglise entière à s’interroger sur cet horizon d’un Eglise synodale. « Le chemin de la synodalité est précisément celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire ». Ce « marcher ensemble » a commencé à s’accomplir et va se réaliser en différentes étapes :
- Travail en chaque diocèse, et réalisation d’une synthèse adressée à la conférence des évêques de France (c’est l’étape que nous clôturons aujourd’hui).
- Synthèse nationale, travaillée par l’ensemble des évêques de France avec un membre de chaque équipe diocésaine du synode. (14-15 juin à Lyon)
- Avant Mars 2023, assemblées ecclésiales par continent (l’Europe pour nous).
- Sept 2023, Synode des évêques à Rome.
- Document final (Exhortation apostolique).
- Mise en œuvre qui impliquera à nouveau les Eglises particulières (chaque diocèse)
Il nous faut donc éviter l’erreur qui consisterait à penser que, suite à la synthèse que nous découvrons aujourd’hui, il n’y aurait plus qu’à la mettre en œuvre dans la vie de notre diocèse et de nos paroisses. Cela serait trop court ! Il manque en effet à notre réflexion un temps d’approfondissement plus large, de recherche, de réflexion, qui débouche sur des propositions sur lesquelles une assemblée synodale pourrait s’engager, et l’évêque les promulguer, pour la vie de notre Eglise. Cette étape ne va pas se vivre (pour l’instant) au niveau de notre diocèse.
Le travail d’approfondissement, de discernement, d’élaboration de propositions se fera au fil des différentes étapes à venir (nationale, européenne, romaine). Le résultat en sera le document final que le pape proposera à toute l’Eglise à la suite du synode de Rome en sept 2023.
Souligner cela appelle une double attention
- Garder un œil vigilant et attentif sur les différentes étapes à parcourir encore pour ce chemin synodal de toute l’Eglise, jusqu’à l’automne 2023.
Il nous faudra nous aider à être informés et à communier au déploiement de la réflexion qui, peu à peu, va se poursuivre. L’apport de notre diocèse devrait s’en trouver élargi, enrichi, approfondi. Et notre communion à l’Eglise universelle, appelée et soutenue.
- Pour autant, ne rien perdre de ce que déjà nous faisons apparaître d’attentes et de souhaits pour la vie de notre Eglise locale, et qui déjà peut chercher à se vivre dans notre diocèse.
Nous soulignons l’appel à une CONVERSION pour notre vie en Eglise :
- Autour de la manière dont elle se donne à voir et vit sa mission à travers les paroisses et les services.
- Autour d’un ‘être ensemble’ plus attentif à la manifester comme ‘Corps du Christ’ ; un corps qui ne cesse d’être appelé et éclairé par la Parole que lui adresse son Seigneur ; un corps qui invente des formes nouvelles, cherche à faire place à chacun, tout particulièrement aux laissés pour compte ; un corps qui s’interroge sur la juste place de ses membres, laïcs et prêtres, et sur des chemins de co-responsabilité à préciser.
Rien ne nous empêche de continuer la réflexion, de poursuivre nos échanges pour discerner, préciser des orientations. Dans le temps de la reprise pastorale, après l’été, nous chercherons à nous soutenir pour poursuivre ce chemin.
Le Dimanche 16 octobre, nous serons invités à nous rassembler à Cavaillon pour fêter en diocèse la canonisation de Saint César de Bus. La figure de ce saint qui nous est donnée et cette étape de reconnaissance pourront être l’occasion de nous partager des éléments pour la poursuite locale de ce chemin.
« Le grand artisan c’est l’Esprit dont la joie propre est de n’avoir rien en propre, de n’être que DON gratuit en totale dépendance de qui l’accueille. » [2]
+ François Fonlupt
Notre Dame de Vie – 28 Mai 2022
[1] Cette équipe est constituée de : P. Charles-Bernard SAVOLDELLI, P. Thomas KHUONG, Sr. Anne-Emmanuelle, Sr. Bénédicte, Isabel VELASCO, Christine SEURAT, Joëlle BONNET
[2] Bienheureux Christian de Chergé, Homélie pascale 1995
I. COMMENT S’EST DÉROULÉ LE PROCESSUS DE CONSULTATION
1. Nombre de groupes comptabilisés au 8 Mai 2022 : 150 groupes
Via Google forms : 117 Via internet ou voie postale : 33
2. Types de groupes et nombre de participants
- Paroisses : 116 sur 178, regroupées en 48 secteurs
- Aumôneries-groupes de jeunes : 4
- Aumôneries des hôpitaux et prison : 4
- Enseignement catholique : 8
- Mouvements et services (Secours Catholique, Scouts, IDF, CERCA, CVX) :10
- Associations (Arche, Mas de Carles, Pénitents) : 3
- Autres (Congrégations religieuses, Institut Notre-Dame de Vie, Prêtres en doyenné…) : 5
Soit 1202 participants
En moyenne / groupe : 8 personnes (de 4 à 45 personnes)
3. Moyenne d’âges des groupes
60 ans et plus : 60 %
40-60 ans : 20 %
30-40 ans : 8 %
15-30 ans : 10 %
7-15 ans : 2 %
4. Thématiques choisies (en dehors des thématiques libres)
- Thème 1 : « Ecoute, dialogue et mission »
- Thème 2 : « Coresponsabilité et écoute de l’Esprit-Saint »
- Thème 3 : « Ecouter la Parole, méditer et célébrer »
II. CE QUI RESSORT DE MANIÈRE SIGNIFICATIVE ET DIVERSE DES COMPTES-RENDUS
Petite voix de L’Arche (Le Moulin de l’Auro) :
« Communion. Hostie. Le pain, le vin. Communion. Voilà, c’est tout. »
1. Avant tout, une « expérience »
Expérience. Ce mot s’impose dans toute sa force à la lecture des différentes synthèses de groupes. Cette expérience est fondatrice, un socle pour la foi qui se trouve ainsi confortée et renouvelée. Pour les participants, il ne s’agit pas de simples rencontres amicales, même si la dimension de convivialité reste importante, mais de réunions « d’écoute dans l’Esprit » comme ils l’expriment de manière récurrente. « La 1re manifestation de l’Esprit étant la rencontre synodale. » Une conviction largement partagée : « L’Esprit Saint, notre compagnon de route et notre moteur ! »
2. Comment la qualifier ?
Le climat : une ambiance sereine et non revendicatrice, empreinte d’humilité, même si certains ne machent pas leurs mots. « On a la chance d’avoir un pape qui apporte un souffle. Je rêve d’une Eglise fidèle au pape. Il nous en "balance", mais on n’entend pas, on ne bouge pas. Il va être temps ! »
L’écoute comme tonalité générale des échanges : « Dialoguer c’est prendre un risque, celui de se laisser toucher et transformer par l’autre. Ecouter à cœur ouvert » ; « Démarche très nouvelle, car spirituelle. On a essayé de se laisser conduire par l’Esprit Saint. Nous nous sommes écoutés avec bienveillance. Ce qui n’était pas très habituel, notamment lors de nos réunions de travail en paroisse. »
Cette écoute, respectueuse des différences, se déploie selon trois axes complémentaires : l’écoute de Dieu à travers sa Parole, écoute des autres proches mais aussi des absents dont chacun porte le souci : jeunes, personnes à la marge, etc. « Importance primordiale des jeunes. Importance d’être à leur écoute. »
Cette posture, vécue avec réalisme, est source de communion : « Nous sommes chacun dans une ‘bulle’ et c’est difficile d’aller d’une ‘ bulle ’à l’autre » ; « Ces réunions nous ont permis de faire une belle expérience de communion. Pourtant nos convictions étaient diverses. La qualité d’écoute nous semble avoir été déterminante et elle a probablement été favorisée par la bonne préparation de chacun d’entre nous, par l’absence de critiques dures et par une envie de faire évoluer cette Eglise que nous aimons et qui nous a faits. Elle a permis d’aboutir à des paroles vraies. »
Dans la joie et le partage. « La ‘Rencontre en vérité’ est un besoin essentiel, comme le Christ nous l’a montré et fait vivre. » C’est certainement l’un des premiers fruits du Synode, précieux. Les personnes ont goûté « la joie de faire ce chemin ensemble » après deux années marquées par la pandémie qui a distendu les relations. La joie n’est-elle pas l’un des dons de l’Esprit dont les personnes ont soif ? « Que notre religion n’apparaisse pas comme un mouvement de vieux, démodé et triste. Que l’Eglise reflète la joie de son Dieu. » Dimension paroissiale ouverte à l’universalité de l’Eglise et au monde : Des rencontres en vue de la mission et non d’un entre soi confortable. « Que nos paroisses ne soient pas des rencontres mondaines mais des assemblées de personnes habitées par l’amour du Christ. »
Désir de poursuivre très largement exprimé et déjà mis en œuvre par certains :
« Renouveler cette expérience de discussion entre paroissiens : continuer à faire synode. » Ce qui ne va pas sans interrogations profondes, remises en question, attentes, expressions de déceptions et d’une conscience aiguë des conversions à vivre, et de la nécessité d’une solide formation. « Comme une invitation à une double conversion individuelle et collective de ‘la manière de faire’ de l’Eglise » ;
« Scepticisme sur les évolutions possibles de l’Église du fait de sa rigidité et de sa résistance au changement. Évidence que tout sera très lent et très long »
3. Une expérience d’Eglise mise en images
Le questionnaire fourni à tous les groupes, demandait non seulement de faire remonter l’essentiel du contenu des échanges mais aussi de proposer des images pour accompagner les restitutions verbales. Une manne aussi variée qu’abondante avec notamment toute une série de photographies émanant de l’Arche, saisissant sur le vif la gestuelle des participants et quelques dessins expressifs.
Dans un monde saturé d’images (splendides, violentes, drôles, virtuelles…), celles offertes à notre attention ne sont pas de simples illustrations des idées énoncées, mais font partie intégrante du travail des groupes. Elles viennent enrichir les propos, les incarner avec une créativité et un humour qui ouvrent des pistes dont nous devons prendre soin.
« Image de la Rencontre qui rend chacun digne et qui fait ‘exister’, qui sauve de l’enfermement et ouvre à l’amour infini du Christ présent ici et maintenant » ; « Une cafetière : elle symbolise l’accueil, le partage, le traitement égalitaire de tous. » Et encore : « Image d’un jeune qui écrit à l’ordi ‘il est grand le mystère de la foie’ et Jésus derrière lui souffle ‘foie sans e’ » ; « Pas d’image (sauf peut-être un smiley...) »
La spécificité de ce mode d’expression, accessible au plus grand nombre, reste plus intuitive que discursive et « révèle », au sens biblique de ce terme, une dimension non négligeable du sensus fidei du peuple de Dieu. « Une église dont les baptisés sortent en traversant les murs » ; « Un grand cœur » ; « L’image d’un musée que l’on pourrait dépoussiérer avec le souffle de l’Esprit pour une Eglise plus accueillante » ; « Une barque qui résiste malgré les tempêtes » ; « Un grand chantier qu’il faut mener à bien ! En espérant que la montagne n’accouche pas d’une souris ! »
Ces matériaux bruts constituent un véritable « lieu théologique » (Evangelium Gaudi 126) à partir duquel une réflexion peut être élaborée, au plus près de la connaturalité de chaque croyant avec le Mystère du Christ et de son Eglise. « Des braises, un beau feu qui monte haut qui éclaire, réchauffe et protège du mal » ; « Image marquante de cette petite communauté des trois groupes réunis après les échanges lors de la messe célébrée sur les lieux mêmes de la rencontre, notion de communion et de fraternité forte. »
Une belle unité se dégage de l’ensemble, échappant joyeusement à l’uniformité.
III. QUELLE EXPÉRIENCE DE LA SYNODALITÉ A ÉTÉ VÉCUE
1. « Faire ÉGLISE » : Communion et Participation (ad intra)
1.1. Une Église en communion fraternelle
- Ce qui se vit
Dans l’Église, des lieux sont particulièrement vivants : le groupe des accompagnants au catéchuménat, des communautés en diocèse, le scoutisme, des chorales, des cellules d’évangélisation, le Secours Catholique, les pèlerinages, l’Enseignement Catholique… « A l’accueil de jour du Secours Catholique, j’ai trouvé une bienveillance qui m’a bouleversée. Je me suis dit que j’avais trouvé la place, ma place. »
La paroisse aussi parfois : « des liens forts, une famille, une communion fraternelle ». Mais aussi, très brièvement exprimé, « le sentiment d’une communauté ‘catho’ refermée sur elle-même », « la présence d’un mal être qui habite l’Église et donc nous-mêmes, et ceci quel que soit l’âge », avec « les abus sexuels révélés au sein de notre institution et la volonté d’une certaine hiérarchie de cacher les faits, d’en nier la réalité, qui alimentent ce mal-être ».
- Ce qui fait l’objet de projets précis
Un geste simple et fraternel : « Se saluer au début de la messe, dire son prénom à son voisin et lui confier une intention de prière (exemple : juste le prénom d’une personne pour qui ce voisin priera) ». Plus que sur la réalité vécue aujourd’hui en paroisse, les groupes ont de façon dominante orienté leur réflexion sur les changements à apporter pour expérimenter une vie plus fraternelle, articulant « faire » et « être avec » : « Peut-être nous manque-t-il des groupes de partage dans la vie paroissiale : on est trop dans le faire mais pas assez dans le ‘être ensemble’ ». Il s’agit de créer des lieux et des temps d’échange réguliers (annuels, mensuels…) ; mieux accompagner les catéchumènes, les nouveaux baptisés, les couples préparés au mariage pour entendre leurs interrogations et faciliter leur intégration dans la communauté chrétienne ; organiser des messes plus vivantes, plus fraternelles, plus chaleureuses, qui intègrent les jeunes, les enfants, les touristes… ; mettre en place des partages d’Évangile pour préparer la messe ; créer une équipe liturgique ; rendre les conseils pastoraux plus ouverts, plus co-responsables devant la communauté ; communiquer sur la paroisse plus régulièrement : inventer d’autres modes de célébration à côté de la messe (partages, adorations, méditations…) ; par des temps informels de rencontre et d’échange se soucier de « ceux et celles qui sont partis blessés » ; créer une « Équipe de vie paroissiale » chargée d’organiser divers types de rencontres et d’animations ; développer une diaconie d’accueil des plus pauvres.
A côté de ces propositions concrètes, beaucoup de réflexions moins abouties, développent les mêmes attentes. Particulièrement quand les attentes sollicitent « l’Église » : « Que l’Église continue à évoluer pour être plus attentive, ouverte, accueillante, humaine avec un langage plus approprié. Que l’Évangile, Laudato si, Fratelli tutti, soient des repères pour tous ».
1.2. Prendre les moyens de la fraternité
- Des postures : savoir-être et savoir-faire
Les qualités d’écoute sont dominantes comme nous l’avons déjà noté. Elles ne sont pas les seules : « Nécessaire délicatesse, humilité, gratuité pour que le dialogue soit possible et entrer en profondeur par la suite » ; « Voir la différence comme un tremplin. Respect de la dignité de l’autre. » ; « Accepter la différence tout en osant d’affirmer le désaccord. » ; « La qualité de l’échange avec d’autres dépend du silence, de la confiance, de l’humilité… » ; « Être vraiment là, présent, parfois juste dans l’écoute, dans la présence gratuite sans chercher à donner une solution toute faite, et cela systématiquement » ; « Savoir demander pardon » ; « Il est bon de dire aux gens qu’ils sont aimés de Dieu, quelle que soit leur vie. »
- Exercer la co-responsabilité et le partage fraternel
« En étant laïc et femme, on se sent parfois « petite voix » ! oh, pas pour les questions de ménage ou de fleurs... mais dans le domaine de la prière, de la liturgie, de la célébration en général... et aussi dans la prise d’initiative !"
De façon très abondante, les groupes se sont interrogés sur les progrès à accomplir en matière de co-responsabilité au sein des paroisses, considérant que « la diversité est la richesse de l’Église si celle-ci est vécue dans la recherche d’une véritable communion » : « chacun doit pouvoir se sentir bien dans sa communauté paroissiale et coresponsable dans l’évangélisation, dans les actions, les services, les missions de l’Eglise, pour soutenir, compléter nos prêtres et réduire le cléricalisme. Pour cela, il appartient aux prêtres et aux paroissiens engagés de discerner pour inclure et appeler d’autres personnes. »
Les groupes s’attachent à réfléchir à la place respective des prêtres et des laïcs (notamment des femmes) au sein de la vie paroissiale. Les questions de la place tenue par chacun dans la communication, la prise de décision, l’action et l’organisation sont abondamment explorées. Un regret dominant s’exprime quant au rôle insuffisant joué par les laïcs : déficit de reconnaissance de la diversité des talents, des charismes, autorité pointée comme exclusive du prêtre en matière de liturgie, de gestion de la paroisse, de prise de décisions…
Les groupes développent une double approche dans la manière dont ils considèrent leurs prêtres. D’une part, ils le reconnaissent comme le pasteur dans sa fonction sacerdotale et son statut de curé de paroisse, qui doit aussi « créer des liens, développer des relations humaines ». A ce titre ils souhaitent « des prêtres qui restent plus longtemps dans (leurs) paroisses pour construire un projet pastoral durable », avec un regret : « Le prêtre est trop dans ‘le culte’ et pas assez dans ‘la rencontre’ ». Certains regrettent une manière excessive de voir le prêtre et un groupe l’exprime ainsi : « libérer les prêtres d’un modèle qui les rend ‘sacrés’ (par l’ordination) et séparé du reste des hommes (par le célibat) ». Cette approche s’accompagne de la dénonciation du cléricalisme, en pointant une Église présentée comme « une institution fermée (vue ainsi par les non pratiquants), demeurant masculine, voire patriarcale, gardant un pouvoir hiérarchique important sur ses pasteurs, laissant percevoir des luttes de pouvoir à l’intérieur de son organisation au ‘sommet’ ». Il faut noter que cette omnipotence du prêtre, si elle est regrettée, s’accompagne souvent d’une prise en considération de la solitude du pasteur, de sa surcharge de travail, et d’un souci de l’accompagner en assumant des tâches qui ne relèvent pas directement de la fonction sacerdotale.
Enfin, la question de l’organisation des paroisses et des services est clairement soulevée, avec le souci de créer de nouvelles structures plus lisibles et plus participatives – dont la forme précise est toutefois rarement explicitée. S’agissant de l’organisation diocésaine, la responsabilité de l’évêque est assez fortement interrogée dans des prises de décisions perçues comme peu soucieuses de consulter les laïcs concernés (nominations de prêtres, réorganisation de paroisses) : « Des décisions de nominations nous paraissent arbitraires, Il serait bon que nos évêques et/ou responsables qui sont en charge des nominations des prêtres, prennent le temps de rencontrer les laïcs pour faire remonter les difficultés, pour qu’on se sente écoutés et qu’on comprenne aussi leurs difficultés. »
1.3. Une communion fondée sur le Dieu trinitaire : Père, Fils et Esprit
Petite voix de l’Arche :
« Communion, hostie. Chanter la messe, prières tout ça. Je mets petite aube. Crois Dieu moi. L’amour aussi. La vie est belle. Croyant Vierge Marie aussi. »
- Actualiser les temps de la foi : Parole, Messe, Prière, Sacrements
La messe est au centre de la réflexion des groupes : « L’importance de la messe est soulignée comme un centre rayonnant de la foi, un point d’appui pour vivre et s’engager dans le quotidien. » Elle est vue sous le triple aspect de l’écoute de la Parole, de l’Eucharistie, du rituel de la célébration, avec une forte préoccupation concernant les modes de réception, le langage utilisé restant hermétique pour beaucoup. « Partir de l’humain, avec un langage simple et vrai, accessible à tous. »
Des propositions sont faites pour « partager les textes de la messe du dimanche avec d’autres régulièrement, dans la semaine qui précède ».
Un nombre significatif de réflexions pointe la difficulté d’adhérer au rituel de la messe et interroge : « Comment peut-on imposer la messe comme aujourd’hui à des enfants ! ils n’écoutent pas, ils restent « à côté », ils s’ennuient, ils ne reviendront pas (…) Ce n’est pas vrai seulement pour des enfants : Philippe ne viendra jamais à la messe et pourtant il a sa bible dans son camion ! »
La lecture et le commentaire ou la méditation des textes peuvent aussi trouver place en dehors de la célébration par des temps où « l’on invoque l’Esprit Saint, où on se met à l’écoute de la Parole. »
Quant aux autres sacrements (baptême, mariage…), « Ils sont ‘distribués’ puis plus rien. Quelle part fait-on à la grâce de Dieu ? (Il faudrait) fixer collégialement le point d’équilibre entre trop d’exigences et pas d’exigence ». Certains y voient l’occasion à saisir de développer une véritable catéchèse pour les adultes. A noter que le sacrement de la réconciliation est quasi-inexistant dans les synthèses (une seule occurrence).
- Développer une vie communautaire plus attentive au sein d’une Église Corps du Christ
« L’Église synodale est une Église de l’écoute, de la rencontre fraternelle, relationnelle, dans laquelle on se vit d’abord comme des frères et sœurs en Christ ». C’est le terme de « rencontre », associé à celui « d’écoute » qui scande cette réflexion dans un grand nombre de groupe, plaçant l’autre au cœur de la vie spirituelle : « L’accès à la vie avec le Christ est un chemin qui ne se fait pas tout seul. Nos rencontres font partie du chemin pour aller au Christ », avec le souci d’inventer de nouvelles formes de vie communautaire, dans une dimension spirituelle, pas exclusivement sociale, mais articulée sur les réalités d’aujourd’hui : « La paroisse a perdu en joie de se retrouver. L’Évangile, cela se vit. Il n’y a qu’à voir comment les parents d’aujourd’hui vivent, ont peu de disponibilité : il faut changer nos habitudes, nous adapter aux nouveaux modes de vie, trouver des lieux différents, réinventer le catéchisme… ».
2. En Mission : dans le souci du prochain (ad extra)
Du récit de la Samaritaine, qui a marqué plusieurs groupes, à celui du bon Samaritain (Fratelli Tutti), les participants se sont interrogés sur la figure du (des) prochain(s) à rencontrer ; sur l’accueil des périphéries, et sur les postures à adopter, les occasions à créer, les difficultés rencontrées. Pour tous il paraît évident « qu’on n’est pas chrétien si on n’est pas missionnaire ».
2.1 Qui est mon prochain ?
Dans leur souci de rencontre de l’autre, les groupes soulignent « L’Esprit-Saint souffle où il veut. Le Seigneur est à l’œuvre en nos frères de bonne volonté même s’ils ne partagent pas notre Foi ». Le prochain se découvre ainsi dans des cercles concentriques, du plus proche au plus lointain, des membres de leur famille éloignés de l’Église aux autres confessions chrétiennes et aux musulmans (fréquemment cités) et aux « périphéries », (pauvres, exclus, malades, personnes âgées) ; et à tous ceux côtoyés dans la vie quotidienne : au travail, dans les loisirs… A noter que les migrants sont rarement cités.
2.2 Créer la rencontre
« Oser la rencontre ! » Les groupes ont une conscience aiguë de la nécessité d’inventer des occasions de rencontre, et formulent de nombreuses propositions : « ouvrir l’église à d’autres activités telles que les concerts pour faire découvrir le milieu de l’église à des personnes qui n’y entrent jamais » ; « Organiser des conférences / débats pour des publics non pratiquants » ; « Accompagner les familles en deuil en proposant de veiller les défunts avec elles » ; « Proposer des balades » ; « Faire de nos églises et nos communautés paroissiales des outils et acteurs de la fraternité au sein de notre société civile »…
2.3 Témoigner, oui mais comment ?
Une divergence sur la priorité de la mission traverse la réflexion des groupes : pour les uns il s’agit surtout « d’aller vers » (« Inverser notre tendance à vouloir attirer les autres vers nous, pour s’ouvrir à leur attente »), pour les autres « de ramener à l’Église ». Certains font la synthèse : « Il nous faut aller vers, mais aussi inviter ». Le souci de témoignage, qu’il soit personnel, individuel, ou demandé à l’Église, laisse transparaître des difficultés, qui troublent certains (peu nombreux), alors qu’elles apparaissent à d’autres comme relevant d’une perception simplement réaliste.
- Un témoignage personnel
Le témoignage est ancré dans la foi : « Les réflexions théologiques ne devraient pas faire obstacle à la fraîcheur et la simplicité de l’évangile, mais aider à mieux vivre notre foi. »
La dimension personnelle est privilégiée : « Nous souvenir que la foi se partage d’abord par le témoignage de personne(s) à personne(s) et non par des discours ».
Des postures sont requises : l’accueil, l’écoute et aussi la disponibilité. Il faut « prendre le temps de la rencontre, s’intéresser à l’autre, sa culture, sa religion ; voir la différence comme un tremplin ; respecter la dignité de l’autre » ; « Ne pas toujours vouloir apporter une réponse et une solution au problème de l’autre » ; « Aider les autres, ceux qui sont bafoués, aux marges, sans soi-même disposer d’un savoir ni d’un pouvoir : être juste là, dans un accueil disponible, un service élémentaire. C’est un apprentissage du dépouillement, de la simplicité, de la pauvreté ».
Petite voix de l’aumônerie de la prison :
« La personne la plus âgée du groupe, handicapée physiquement témoigne de la solidarité qu’elle voit à son égard par des détenus plus jeunes. Une proposition concrète : Certains détenus disent qu’ils n’hésitent pas à parler de ce qu’ils vivent en aumônerie à leur co-détenu. La mission est possible pour chacun à l’endroit où il est. »
- Un témoignage d’Église
Le témoignage est aussi demandé à l’Église dans l’image qu’elle donne au sein de la société :
« Nous souhaiterions plus d’initiatives ou de réactivité de la Conférence des Evêques sur les sujets de société ou d’évolution des mœurs », avec un élan missionnaire : « N’ayons pas peur ! La laïcité ne nous empêche pas d’exprimer notre foi. Le groupe pense qu’il y a nécessité pour l’Eglise à s’impliquer davantage dans les problèmes de société et à être à l’écoute des différentes pauvretés. » Il s’agit « d’ouvrir la parole ecclésiale sur le sens de la vie pour tous plutôt qu’entretenir un discours ‘ad intra’, sous le déguisement d’une morale généraliste ».
- Avec ses difficultés
Mais témoigner ne va pas sans appréhension, sans un « sentiment d’impuissance, profond malaise face à la déchristianisation ». Le malaise s’articule aussi sur la crainte de ne pas disposer du savoir-faire nécessaire compte tenu du contexte sociétal et ecclésial : « Nous avons à annoncer le Christ, mais comment faire ? Annoncer le Christ ou annoncer l’Église ? Peur d’amener les gens à l’Église, car l’Église ne répond pas aux problèmes de notre temps, ce qui rend mal à l’aise. L’Église dans le témoignage qu’elle a à offrir est en crise. » Une autre difficulté apparaît lorsqu’il s’agit « d’aller vers les périphéries », vers « le prochain le plus éloigné de moi » : « Il faut continuer à accueillir les gens de la rue, sans discrimination des personnes et trouver des solutions aux problèmes qu’ils posent : instabilité, non-respect des règles, addiction… »
Le sentiment d’incompétence éprouvé renvoie aussi à la peur de ne pas savoir exprimer sa foi : « On se sent un peu faible, pas à la hauteur de la démarche d’évangélisation ». Mais l’espérance demeure : « Avoir confiance en le Seigneur (Trinité) même si nous sommes vus de travers (…) Ne pas se décourager si parfois nous sommes des contre-témoins. »
UNE GRANDE JOIE : « Emerveillement du travail de la Parole / parole. »
« La Parole de Dieu est un immense trésor et un cadeau de Dieu » comme l’expriment des membres de l’enseignement catholique témoins d’un sentiment quasiment unanime, animés par la « soif de partager la Parole de Dieu en église, en famille, entre amis » ; « Nous avons chacun besoin de la parole de Dieu, comme nourriture dans nos vies. »
UN POINT D’ATTENTION : LA FORMATION, « recevoir pour transmettre. »
La demande de formation est massive. Elle concerne tous les baptisés et l’ensemble des domaines abordés précédemment. Formation pour alimenter la vie spirituelle notamment par une meilleure connaissance de la Bible : « Il y a une soif de formation à la parole de Dieu qu’il faut éveiller plus encore et diversifier les propositions » et aussi une formation intellectuelle, pastorale en prise sur le monde actuel. « Se pose avec beaucoup d’intensité la question de la formation – formation pour les catéchistes, les animateurs d’aumônerie – la formation est essentielle, la recherche aussi pour savoir comment transmettre ainsi ‘la Vie’, et non pas des dogmes – parfois, je me sens bien seule et démunie en face de cette tâche, j’aimerais être mieux soutenue dans cette approche de ‘la Vie’ à développer. – les bouquins de catéchisme ne sont pas adaptés à cette approche, je me sens mal à l’aise ». Le souci d’une formation initiale de qualité pour les séminaristes est exprimé :
« Transformer la formation des prêtres pour qu’ils soient plus à l’écoute du monde et moins à la gestion institutionnelle de l’Eglise ; avec présence des laïcs et particulièrement des femmes dans cette réflexion » ainsi que celui d’une formation continue « en réunissant laïcs et prêtres pour une vraie collégialité dans la prise des décisions, avec des activités ou formations communes pour travailler ensemble en frères et sœurs dans le Christ ». « Dans nos campagnes, faiblesse de l’offre de formation ; prêtres d’autres cultures : plus grande difficulté de compréhension réciproque. Pourquoi ne pas mutualiser ce qui se fait dans le doyenné, dans le diocèse (comment faire circuler l’information entre les paroisses ?) Se stimuler les uns les autres (entraide). Accompagner (former) les appelés au service »
CONCLUSION
Cette synthèse arrive à un moment crucial de la vie de nos sociétés et de notre diocèse qui fêtera, le 11 juillet prochain, le premier anniversaire de l’installation de son nouvel Archevêque, monseigneur François Fonlupt. Ce dimanche 15 mai, en canonisant le père César de Bus, l’Eglise nous offre un modèle de pasteur, dévoré par le souci missionnaire pour sa terre natale, le Comtat Venaissin, et dont le rayonnement s’étend désormais jusqu’aux extrémités de la terre. Deux années de pandémie mettant à mal les relations, menace écologique et guerre en Europe, scandales répétés au sein de l’Eglise, autant d’évènements obligeant les baptisés à faire preuve d’une profonde humilité incarnée en actes et en paroles.
« Les sœurs abusées, le rapport de la CIASE, ces scandales ont été possibles à cause du silence de l’Eglise et de la solitude des prêtres, mis sur un piédestal. Bravo à l’Eglise qui veut être en vérité et en transparence, à son humilité et à son désir de réparation, à son ouverture vers un changement profond en interne. » Cette posture nécessite une écoute mutuelle - elle a été vécue avec une certaine surprise et bonheur dans les groupes de partage - attentive « aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses des hommes, des femmes de notre temps, les pauvres surtout et les affligés de tout genre » comme nous y invitait le concile Vatican II il y a plus de 50 ans déjà.
Heureusement, la pratique synodale existe déjà à beaucoup de niveaux comme le soulignent des prêtres de notre diocèse et les moniales vivant sous la Règle de Saint Benoît. Mais nous devons reconnaître qu’elle a été mise à mal ces dernières décennies et demande à être revitalisée selon le désir de la majorité des chrétiens du Vaucluse. Ces quelques lignes - format carte postale - portent nos rêves. Nous les adressons à l’Eglise de France, et à travers elle à l’Eglise universelle ainsi qu’à tous nos frères et sœurs en humanité :
Ami lecteur, puisses-tu, à ton tour « être ému d’espérance »